FRANCOISE PETIT OU L'HISTOIRE D'UNE PREMIERE VENDEUSE A L'AGE D'OR DES MAISONS PARISIENNES

Il y a huit ans, Laetitia Hedde, commissaire de l'exposition "Mémoire d'une élégante", se fait aimablement interpeller par une dame d'un certain âge et d'une élégance certaine. Cette dame est Françoise Petit, née en 1923, elle a été première vendeuse chez Lanvin, puis chez Chanel pendant plus de 40 ans. Elle a reconnu le modèle de canotier que Laetitia porte, un Gélot, modiste de référence à la grande époque. Leur amitié nait à cet instant, partageant l'amour des belles choses et une vision sensible de l'élégance.

Adeline Peyre alias Martine, Paris, photographiée en 1933 par les frères Séeberger

Disparue il y a 3 ans, Françoise avait pris soin de léguer les pièces de sa collection personnelle - qui compred aussi celles de sa mère Yvonne, première vendeuse également, et d'Adeline, ancien mannequin cabine - à Laetitia Hedde afin que ce patrimoine soit dignement conservé. 

Ces pièces sont aujourd'hui visibles au sein de la Mairie du XVIe à Paris, qui rend ainsi hommage à la mémoire de Françoise, fidèle habitante du quartier.

En plus de quatre décennies de carrière, Françoise a traversé l'histoire de la mode, de l'entre-deux-guerres à l'émergence du prêt-à-porter, et a contribué à son échelle au succès des grandes maisons pour lesquelles elle a oeuvré, en recevant chaque cliente dans un salon réservé à son attention.

Robe bustier en soie à l'imprimé Toile de Jouy, ayant appartenu à Martine, années 1930-1940, création anonyme

Son histoire, racontée aujourd'hui grâce à cette exposition, met en lumière son métier que l'histoire de la mode a un peu passé sous silence, à l'instar des créateurs et des personnalités plus médiatiques.
Véritables ambassadrices de la marque, les premières vendeuses devaient être diplomates et adroites conseillères en image : parées d'un compas dans l'oeil pour savoir ce qui est le mieux coupé pour quelle silhouette et avec une fine compréhension des besoins vestimentaires de clientes aussi prestigieuses que la première dame de France. Expertes des coupes et des matières, elles étaient souvent très fidèles aux maisons dont elles incarnaient l'esprit et contribuaient littéralement à en construire l'image de marque ainsi qu'à en assurer le rayonnement.

De ces vies passées au sein des grandes maisons parisiennes, restent des objets qui laissent transparaitre l'ambiance feutrée des salons de l'époque : des carnets de prises de mesures pour les essayages, des catalogues de commande, des cartons d'invitation.... Et aussi des courriers personnalisés aux clientes accompagnés de photos et d'échantillons de tissus pour proposer une sélection "sur mesure".

Et puis évidement des toilettes sculpturales, délicates, empreintes d'un autre temps, qui témoignent d'un art de vivre révolu, mais dont on ne se lasse pas d'admirer les vestiges. Qu'elles soient griffées ou non, elle ont appartenu aux garde-robes de ces femmes pour qui la mode était un art de vivre au quotidien et en chaque circonstance.

Les pièces sont extrêmement bien conservées, les broderies somptueuses, tout comme les riches tissus dans lesquels sont coupées robes de soirées mais également tailleurs de jour. La garde-robe de Martine, ancienne mannequin cabine, compose l'essentiel de la première collection d'archives, avec des robes Lanvin, Lucien Lelong ou encore Adair.





Paire de gants brodés photographié par Pauline Quéru



Robe (à gauche) en mousseline de soie blanche, dentelle noire, brodée de sequins noirs, ayant appartenu à l'actrice suédoise Ulla Jacobson, 1960, création anonyme

Robe en satin de soie duchesse, broderie de cordons frisés, motifs d'arabesque, 1942, Lucien Lelong


 
Robe en lamé  et perles de verre vert olive, ayant appartenu à Yvonne, 1920, Adair

Dans une vitrine est posé le sac en cuir bleu marine de Françoise. Impeccable, avec une fermeture dorée, il est le témoin d'une vie passée au service de l'élégance. Sa présence, ainsi que celle de sa mère Yvonne et de son amie Martine, est perceptible dans chacun des objets, notes, courriers, photographies qui constituent l'ensemble de cet émouvant patrimoine.

L'exposition "Mémoires d'une élégante" est visible jusqu'au 25 novembre, à la Mairie du XVIe.

Sac en cuir, photographie : Pauline Quéru



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