Sobriété j’écris ton nom
En mars dernier, je publiais un article sur la hausse des prix des matières premières et sur la probable augmentation du prix des vêtements dans les mois à venir. La question énergétique pointait à l’horizon, comme une problématique parmi tant d’autres. À mon échelle, je commençais à comprendre que les impacts allaient s’enchaîner, mais j’étais loin d’imaginer l’ampleur inédite de la crise aux multiples engrenages dans laquelle l’industrie textile est en train de plonger.
En ce début septembre, après un été caniculaire hors normes, le sujet de l’augmentation des tarifs liés à la hausse des coûts de l’énergie est au cœur des discussions. Lors de rencontres avec quelques fournisseurs pendant le salon Fashion Rendez-Vous, organisé par Première Vision, la tension est palpable. Tous les maillons de la chaîne sont en train d’établir des stratégies de crise pour traverser au mieux cette saison qui ne ressemble à aucune autre. Filateurs, teinturiers, tisseurs, imprimeurs : tous les industriels sont confrontés à des factures à la hausse. Quelques uns ont même décidé de fermer leur établissement un ou deux jours par semaine, par souci d’économie énergétique, ce qui entraîne, de surcroît, des retards dans leur planning de production. Il va sans dire que les structures les plus vulnérables, ou qui n’auront pas su faire les bons choix en termes de sobriété, risquent de rester définitivement sur le carreau.
pour le fond bleu typographié. |
Ces maillons sont fondamentaux dans la longue chaîne d’approvisionnement textile. Si plusieurs d’entre eux se brisent, comment évoluera l’écosystème de la mode ? Est-ce que tous les pays seront impactés de la même manière par ces problématiques ? Quelles stratégies vont se mettre en place pour préserver un équilibre précaire ? Est-ce qu’une nouvelle forme de solidarité ou de mutualisation saura mettre les talents et les ressources en commun ?
Et pour les maisons de mode, les créateurs, les fabricants de prêt-à-porter, comment repenser les collections, les vêtements, les cadencements ? Il serait pure illusion d’imaginer que rien ne va changer.
Même les lieux de vente sont appelés à faire preuve de sobriété. Les boutiques allumées toute la nuit sont enfin priées d’éteindre la lumière ! Est-ce que les heures d’ouverture seront revues à la baisse pour éviter de gaspiller l’électricité ? Les dimanches redeviendront-ils des jours où les commerces sont fermés ?
Évidemment je ne parle des problématiques qu’au niveau européen car c’est la réalité professionnelle que je connais.
Évidemment la polarisation géopolitique actuelle fait que les sujets de crise ne sont pas les mêmes à l’Est ou à l’Ouest. Dans un contexte de guerre, la sobriété devient même un enjeu stratégique.
Néanmoins, au delà de la question énergétique, il y a des sujets plus vastes qui touchent également l’industrie mondiale. La raréfaction des ressources, et notamment l’eau, qui est utilisée en masse dans tous les procédés textiles, est une autre question qui s’invite au débat, juste après celle de l’énergie.
Après des années d’insouciance, à produire sans compter, ni les kilowatts, ni les litres d’eau, nous avançons vers une ère où l’on va comptabiliser, économiser et traquer le moindre gâchis. La sobriété est le mot qui donne le ton de cette rentrée 2022. Plus qu’une contrainte, c’est la posture juste qui exige une grande agilité et qui demande à repenser les business models, les stratégies, la raison d’être de chaque chose.
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