COMMENT CONSTRUIRE UNE COLLECTION PLUS RESPONSABLE - FOCUS SUR LA GAMME DE COULEUR


Parler d'éco-responsabilité dans la mode aujourd'hui, c'est déplier un origami aux multiples facettes, dont chaque pan déroule d'innombrables questions. C'est un sujet dont la vertigineuse arborescence peut soit décourager, soit pousser à ne voir qu'une partie de l'iceberg et se dire que c'est déjà ça, soit s'atteler à résoudre humblement les challenges qui se présentent, au fur et à mesure.

Pour faire court, il n'y a certainement pas qu'une seule façon de concevoir une collection plus responsable. Il y a autant d'approches qu'il y a de manières de travailler. 

Voici déjà quelques thématiques à prendre en compte quand on s'engage à vouloir créer une collection plus responsable :
 
* utiliser des matières premières vertueuses 
(autre vaste sujet : qu'est-ce une matière responsable ? une matière naturelle ? certifiée ? Bio, OekoTex, GRS, etc ? sourcée localement ?, une matière déjà existante ?)

* réduire le plan de collection afin d'optimiser le nombre de produits sur le marché, miser sur des intemporels, mais identitaires et créatifs (autre vaste débat...)

* relocaliser la production, optimiser le plan de coupe, réutiliser les déchets de production

* repenser le business plan pour produire moins, redéfinir le positionnement prix et le concept de promotions,

* réduire l'impact carbone du packaging et du transport

* repenser les points de vente en environnements plus économes en énergie (réduire la consommation électrique en éteignant les vitrines de nuit, utiliser des énergies renouvelables, des display recyclés/recyclables, etc.)

Autant de sujets qui méritent tous d'être développés, et ce sera l'occasion d'autres articles par ici !

 Aujourd'hui j'avais envie de mettre en lumière une étape stylistique fondamentale dans la construction d'une collection, d'autant plus quand elle se revendique responsable : l'élaboration de la gamme de couleurs. Mais qu'en est-il quand elle est déterminée par le choix de tissus existants ? 

Je suis tombée récemment sur cette citation de Marine Serre publiée sur le compte @consciousfashion



C'est une approche très pragmatique que celle de Marine Serre. 

Quand on décide d'utiliser ce que l'on appelle des stocks dormants, les fins de rouleaux déjà existants, ou d'upcycler des vêtements déjà finis, ce qui est à la base d'une logique d'économie circulaire, le processus créatif se met en route de façon très instinctive. 

Au lieu d'être dans l'inspiration pure et dure, ou dans le déterminisme, c'est l'oeil qui guette le moindre élément déclencheur et, petit à petit, les tissages, motifs, imprimés créent des connexions très subjectives entre-elles. Comme l'oeil d'un chineur qui se laisse séduire par quelques pépites au milieu d'un tout, qui en saisit le potentiel, sachant que la cohérence de son goût fera en sorte que chacun de ses choix créera une harmonie globale. 

De la même manière, un créateur utilise ces éléments existants comme une matière première brute qu'il interprète à sa façon. Là encore, il y a plusieurs approches : 

1/ Travailler avec les stocks dormants des fournisseurs, ou des fabricants, et créer une gamme de couleurs & de textures avec ce que l'on trouve chez les uns et les autres. Aujourd'hui il est assez facile d'avoir accès à ces stocks grâce des plateformes telles que @nona_source ou encore @uptrade.fr

2/ Constituer un stock de matières premières intéressantes, à réutiliser autour d'un projet, comme par exemple Colombe Campana, la fondatrice de @callitbyyourname qui chine des bandanas pour ensuite les rebroder à la main et créer des sacs, des pochettes ou encore des vestes matelassées.
bandanas rebrodés @callitbyyourname
Colombe Campana et son sac fait de bandanas brodés main @callitbyyourname

Et aussi @marineserre_official qui assemble foulards ou t-shirts pour recréer des pièces uniques.


3/ Utiliser des vêtements existants, travailler avec leur patine, en extraire la partie la plus intéressante comme base d'une future re-création. C'est l'exercice auquel s'étaient prêtés les élèves de la CASA93 lors d'une collaboration avec la Redoute afin d'utiliser leurs stocks d'invendus. C'est également une des approches de la créatrice Anais Dautais Warmel @lesrecuperables qui agence sa collection au gré de ses trouvailles, toujours dans le souci de circularité.

Enfin, au de-là d'être une pratique vertueuse, construire une gamme de couleurs à partir d'éléments existants peut aussi être un exercice ludique qui permet d'associer des textures autour d'un thème chromatique pré-défini.
Le travail sensible et poétique d' @heloise.guerin illustre bien ce propos. En partant d'une image de film, elle recrée une ambiance en associant des bouts de tissus qu'elle récupère ici et là. Son pouvoir de suggestion, avec "juste" quelques morceaux de matières, est bluffant et surtout très réussi.
The Grand Budapest Hotel @heloise.guerin
Moonrise Kingdom @heloise.guerin
Virgin Suicides @heloise.guerin

Ce carrousel d'exemples est loin d'être exhaustif. Il montre combien la circularité peut générer un foisonnant bouillon de créativité, dès lors que l'on s'éloigne des schémas habituels et des logiques traditionnelles de production. Le simple exercice de la gamme de couleur démontre qu'au delà des contraintes il y a encore beaucoup de place pour la créativité.



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