L'insoutenable légèreté de la mode
Je travaille dans la mode depuis presque vingt ans.
J’aime mon métier. C’est une passion depuis l’enfance. Au fil des
années, j’ai appris à faire des collections, à « donner vie à un
dessin », à déployer ma créativité tout en observant et en me nourrissant
de la société dans laquelle je vis. J’ai un job créatif, excitant, qui
aujourd’hui pourtant me pousse dans mes retranchements car je sens que l’on
nage en plein paradoxe. Il y a urgence… Il y a urgence à réorienter la
créativité pour repenser les systèmes autrement.
Concrètement depuis quelques années des questions me viennent
précisément à l’esprit, et ceci de façon de plus en plus insistante:
Comment allons-nous continuer à produire des vêtements en suivant ce
rythme effréné de collections ? Avec quelles ressources ? Dans quelles
conditions humaines et environnementales ? Que deviennent les milliards de
vêtements produits chaque année ? Comment se passe le recyclage de nos
vêtements (beaucoup moins facile à recycler que du papier ou du plastique) ?
Quelles nouvelles pistes pour demain ? Comment imaginer un nouveau rythme,
une nouvelle logique, qui ait plus de sens et de valeur ? Comment revenir
à plus de qualité et moins de quantité ?
Dans des domaines tels que l’alimentation, la cosmétique, le design ou
l’architecture, la création d’un nouvel écosystème de production est une
réalité à laquelle nous sommes tous de plus en plus sensibles. D’évidence, nous
sommes poussés à consommer et à vivre de façon plus responsable,
pour nous et pour la planète.
Mais qu’en est-il de la mode ? L’industrie textile est la plus
polluante au monde, après l’industrie pétrolière…
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image via "The Future Kept" |
La mode est un phénomène de société. Elle a accompagné l’émancipation
de la femme au XXème siècle, elle est transgression et élégance, elle bouscule
et réinvente les codes. Pourquoi aujourd’hui son fonctionnement est-il encore si
archaïque ?
Ce besoin de partager une réflexion a tellement grandi en moi ces
dernières années qu’il me fait écrire ces premières lignes ici, en
essayant de trouver un regard neuf, cohérent et responsable sur le système de
la mode aujourd’hui.
English version
I work in fashion for almost twenty years now.
I love my job. It’s a passion since my childhood. I have learned to
build women’s collections, to bring design alive, to develop and to feed my
creativity, watching attentively the world go by, all around me. I have a creative, vibrant, job which, today, pushes me to a very limit ….because there is an emergency. An emergency
to shift creativity towards brand new systems.
In many other areas as food, cosmetics or architecture we can easily find alternative solutions
for a better ecosystem. As a matter of fact, we all feel receptive today to
these new ways of living, because they dramatically make sense and touches
directly each one of us.
But what about fashion ? The textile industry is the most
polluting in the world, after the petrol industry…
Concretely from several years now some questions come insistently to
my mind :
How are we going to continue the constant increasing production of
clothes ? With which resources ? In which human and environmental
conditions ? What happens to the billions of clothes produced every
year ? How do we recycle them (so less easy to recycle that plastic or
paper) ? What are the new solutions for tomorrow ? How can we figure
out a new rhythm, a new logic, more meaningful ? How can we come back to more quality and less quantity?
Fashion is a societal
phenomenon. It has accompanied and supported women’s emancipation during the
XXth Century, it is transgression and elegance, it breaks the rules and
redefines codes. Why does its operating system remains still very
archaic ?
From several years now, I feel so much the need to
open up a new thinking, that it makes me start writing here. Trying to open a new eye on the
fashion’s system that can be more coherent and conscious.
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